Balade à vélo sur le Lakeshore avec l'officier Tackleberry du #SPVM

Ça se passe le 19 août dernier. C'est dimanche. Ah tiens, un texto. Qui ose?
C'est Simon: "Lakeshore?"
Moi: "Marché Atwater?"
Simon: "À 2 heures?"
Moi: "Parfait."

C'est comme ça quand je roule avec Simon, pas besoin de beaucoup de mots pour se comprendre. J'aime ça rouler avec lui. Il roule droit, il roule constant et surtout, il fait attention à ce qui se passe autour de lui. Cette dernière qualité est bien utile si on va rouler sur le Lakeshore parce qu'il faut passer par la piste cyclable de Lachine. Sur cette piste là il y a des enfants qui roulent en diagonale, des jeunes encore saouls de la veille, des vieux évadés du CHSLD, des petits couples un peu perdus, des marcheurs, des coureurs, des patineurs, des skieurs (!), des gens en scooter(!!) et bien d'autres choses qui avancent à tâton. Évidemment, pas question de rouler vite sur une telle voie publique.

Comme prévu Simon me rejoint au lieu dit, à l'heure dite. Il est accompagné de Cath, une amie habituée au port du cuissard et du maillot, mais qui ne revendique pas le statut de coureuse pro. Cath est en mission ce jour-là: plus loin vers Beaconsfield il y a une place qui fait des sundaes écoeurants. Elle l'a spottée la dernière fois. Des quoi? Des sundaes! "Pourquoi pas une couple de bières rendu-là!" Ben non, j'ai pas dit ça. Mais ah là là, si mon ancien coach apprenait que je vais couper ma ride en deux pour manger ça, il m'appellerait pour m'engueuler sur le champ. Mettons qu'on partait pour une belle petite sortie du dimanche. Donc on roule doucement en papotant. Si tu parles en roulant, c'est certain que tu restes dans un zone de confort aérobique.

... rendu au pit à sundaes
Arrivé à Beaconsfield Cath donne le signal, on est rendu au pit à sundaes. On arrête et on déguste. On exclut la personne qui parle parce que naturellement moi je me contente de ma bouffe cycliste, la voix de mon vieux coach résonnant toujours trop clairement dans ma tête (un jour je dirai qui est ce coach, les plus vieux comprendront pourquoi je l'entends encore). Ses enseignements auraient été utiles à mes partenaires de route parce qu'au moment où on est remonté en selle ils roulaient à l'huile lourde très peu performante! On rentrait donc très lentement. Et puis tout d'un coup, des sirènes de police stridentes, des rugissements de moteur et des crissements de pneus nous ont pratiquement projetés en bas de nos vélos.  Avant qu'on comprenne qu'est-ce qui se passait, la voiture du SPVM passait à toute allure très près de nous tandis que les pauvres pistons de son moteur tentaient de s'enfuir par le capot. Cette même voiture a soudainement freiné très brutalement après nous avoir coupé la voie. Frappés de stupeur, nous avons pratiquement atterri sur le coffre arrière de la voiture. Heureusement, nous roulions tout doucement: en plus de rouler à l'huile lourde, nous venions de ralentir pour un stop.

Notre officier Tackleberry n'avait pas le pompeux, mais il
portait une veste pare-balles apparemment très bonne pour
la confiance en soit. 
Un peu étourdis par ce qui se passait, nous avons ensuite eu le choc de voir le pilote du bolide du SPVM bondir hors de la voiture, prêt à dégainer son arme de service en notre direction. Plus personne ne comprenait. Éberlué, tout ce que j'ai pu dire c'est : "ben là, qu'est-ce qui se passe?"  Sauf erreur, en guise de réponse, le pilote armé m'a servi: "sortez vos cartes d'identité, pis niaisez pas". Niaisez pas? WTF Tackleberry? t'as beaucoup trop écouté Police Académie mon vieux! Non, j'ai pas dit ça, mais dans mon esprit c'était simple: "criss, on va avoir droit aux menottes dans l'dos couchés à plat ventre dans la rue".

Tackleberry en action

Là faut dire qu'on est dans la rue, tout de travers, et que la circulation passe tout juste à côté de nous. On n'est pas protégé. Pire, notre officier du SPVM, qui semble avoir eu un excès de rage au volant, flatte maintenant son gun d'un air menaçant. Alors je reformule ma demande en des termes très clairs pour que mon interlocuteur comprenne: "qu'est-ce qu'on a fait?" La réponse m'a fait sourire malgré l'agressivité du locuteur portant une veste pare-balles: "vous avez pas faitte vot'e stop!" Mon sourire l'a un peu énervé je crois. Tout cas, maintenant il ne semblait plus respirer normalement. Le taureau voyait rouge. "Ah, ben là, encore chanceux qu'on ait ralenti!" Ben non, j'ai pas dit ça! Voyons donc, avec le protecteur de la veuve et de l'orphelin que j'avais devant moi, j'aurais été expédié à Guantánamo sur le champ.

Alors on lui donne nos cartes. En plus de celles de Simon, Cath et moi, il ramasse aussi celles d'un monsieur du coin qui passait par là avec son bécik de commission et d'un autre rouleur qu'on ne connaissait pas. Ces deux-là étaient passés tout droit au stop, je l'avais remarqué en ralentissant. L'officier Tackleberry a remis nos cartes à son collègues qui lui, il faut bien le noter, semblait pas mal plus calme. Il n'avait pas la main sur son gun, ni même sur sa grosse flashlight-matraque. Ça devait être l'intellectuel des deux puisque c'est lui qui s'est installé devant l'ordi pour contrôler nos dossiers. Ça a pris un long moment. Faut dire qu'il tapait avec un seul doigt, l'index -le même que pour le gun. Pendant ce temps, Simon a fait remarqué à l'officier Tackleberry que son apparition soudaine dans nos vies aurait très bien pu nous projeter par terre, ou même contre sa voiture. Un cycliste seul peut freiner brusquement, mais il n'est pas certain que les deux autres qui suivent pourront le faire! Un plus, Simon a aussi souligné que l'arrivée tonitruante de la voiture nous a donné froid dans l'dos. Dans le fond, heureusement pour tout le monde que nous étions des cyclistes expérimentés. L'officier Tackleberry semblait encore plus en rogne. Il a rétorqué que "c'est d'même qu'il fait les interceptions" et qu'il "n'aimait pas notre attitude". C'est à ce moment que je lui ai demandé si le SPVM donnait à ses agents de police des 'tites cartes d'affaire, que si c'était le cas, j'en prendrais bien une -s'il vous plait monsieur. Là, c'est lui qui a souri. Oui, ils ont des cartes, mais j'avais pas à m'en faire, son nom allait être "su l'ticket". Je lui ai dit que je prendrais pareil une 'tite carte. Son sourire s'est effacé.

So be it, on va prendre le ticket 

On a attendu, attendu, attendu. C'est vrai que taper des noms avec l'index entraîné à tirer du gun, c'est long. Simon, Cath et moi restions en retrait. On n'a pas de mal à admettre nos tords dans la vie et ce coup-là, c'est vrai qu'on a fait un stop à l'américaine. So be it, on va prendre le ticket et mettre la dépense dans le budget sous la rubrique "apprentissage". Le monsieur avec le bécik de commission s'est assis sur le trottoir pour attendre. L'autre cycliste qu'on ne connaissait pas a quant à lui entrepris des pourparlers avec l'officier Tackleberry. Je dis des pourparlers, mais en réalité ce cycliste suppliait  Tackleberry de pas lui donner de contravention. Hey, c'était pathétique comme spectacle. Imaginez un gars qui roule sur un Time en Record avec des Neutron qui explique -presqu'en larmes- qu'il ne peut pas avoir de ticket parce que ça va lui coûter trop cher pour son permis! Je ne sais pas ce qui était le plus affligeant à voir: l'auto-humiliation du gars ou la satisfaction non dissimulée de Tackleberry. C'était du mauvais théâtre même si les deux comédiens semblaient bien connaitre leur rôle.

J'ai l'air baveux...

Ça me fait penser que j'ai l'air baveux à toujours affubler ce brave officier de police du nom de Tackleberry. Mais c'est qu'il ne me l'a jamais donnée sa 'tite carte que le SPVM lui fournit pour qu'il puisse la remettre quand on la lui demande. Son nom ne figure pas non plus sur la contravention: il n'y a pas eu de contravention. Et non, même pas de ticket! Après m'avoir demandé si j'avais des réflecteurs sur mon bécik et menacé de me coller un billet de plus parce que j'en avais pas, l'officier Tackleberry -toujours la main sur le gun- est revenu vers nous. Dans un geste de majesté il nous a graciés même si on avait "une mauvaise attitude". "T'aimes ça intimider mon Tackleberry". Ben non, j'ai pas dit ça! Simon devait secrètement souhaiter que je ne lui redemande pas sa 'tite carte.

Suite au spectacle que les agents du SPVM nous ont présenté, je me demande bien qu'est-ce qui s'est passé sur le Lakeshore ce dimanche après-midi là. Bien que relativement jeune, l'officier Tackleberry n'était pas un débutant. Il en avait vu d'autres avant nous. Des plus méchants certainement. L'homme que j'ai vu en action n'est pas un imbécile. Malgré ma prose narquoise, je n'en doute pas. En fait, avant de devenir policier, l'officier Tackleberry a déjà été un gamin de 16 ans qui avait d'excellents résultats à l'école tout en étant un bon sportif: ce ne sont que ces jeunes qui sont acceptés en technique policière. Il a ensuite fait un DEC en technique policière puis un stage à Nicolet avant d'être engagé au SPVM. Fort de sa compétence et de son expérience, ce policier a délibérément fait usage de ce qu'il jugeait être la force minimale nécessaire pour faire son intervention qui, à terme, était un opération de sensibilisation. Mais il faisait de la sensibilisation à quoi au juste?

Me demande juste pourquoi il a omis de me remettre sa 'tite carte par contre. Est-ce que finalement il aurait eu un doute au sujet du niveau de force qu'il a déployé? Dans ce cas il a bien fait de ne pas me la remettre cette 'tite carte, parce que j'aurais pas hésitez deux semaines pour rendre compte de cette intervention auprès des instances concernées. Par contre, deux semaines, c'est le temps qu'il m'a fallu pour arriver à cette décision: publier la photo de l'agent Tackleberry. Je fais pas que le dire, je le fais. La voici.

Bonne route sur le Lakeshore. Le SPVM veille sur nous, soyez sans crainte.


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