L'Orange Sanguine des Cantons

Cette année, on s’était dit, ma chérie et moi, qu’on irait dans les Pyrénées pour les vacances d’été. Elle pour se promener et profiter des produits locaux, moi surtout pour faire du vélo. Comme la bonne forme de juillet se construit en hiver, je m’étais bien préparé à affronter ces montagnes dont je connais déjà bien le niveau de difficulté. Du moins, je l’ai fait entre décembre et le début avril. J’étais assidu au gym, je faisais plein de spinning, poussais plein de fonte, mangeais bien, buvais à peine.
Une petite semaine de vélo avec les copains à Cuba en mars m’avait encouragé: les astres s’alignaient pour que j’aie une super saison de vélo.

Puis, coup du sort, il est finalement devenu évident que le projet pyrénéen n’allait pas se concrétiser cet été. Du coup le gym ne m’inspirait plus rien de positif, j’en ai eu marre du spinning, la fonte est devenue trop lourde à pousser, bien manger s’apparentait à une corvée et, bon, vous saisissez. Je suis comme ça. Pas d’objectif, pas de volonté. 

Heureusement on a fini par trouvé un «plan B» stimulant. Des amis ont une belle maison ancestrale dans le coin d’Ayer’s Cliff, en Estrie. Comme elle allait être libre en juillet, on s’est dit que ce serait l’occasion d’y passer nos vacances. Ma chérie pour se promener et profiter des produits locaux, moi surtout pour faire du vélo. Au fond, en troquant le brebis des Pyrénées pour le Alfred de Compton, elle n’y perdait pas trop et je savais que les routes dans le canton de Coaticook, sans être du calibre de celles qui traversent Bagnère-de-Bigorre, ne sont pas dénuées de charme pour autant. Non, pas dénuées de charme, pour autant qu’on aime les montagnes russes courtes, sèches et très abruptes. D’un vallon à l’autre, rouler dans ce coin-là demande un peu d’abnégation. Même loin de la haute montagne, les vacances n’allaient pas être de tout repos. Dans mon cas, vu ma méforme, il faudrait parler d’acceptation. Comme dans accepter de souffrir sans se permettre la moindre accélération, le moindre excès d’enthousiasme. Accepter surtout d’avoir l’impression de traîner une grosse enclume jusqu’en haut de chacune des côtes que je visiterai. Je sais, je me plains tout le temps que je ne grimpe pas, mais s’en trouvera-t-il un ou une pour dire que j’exagère? Hein? Voilà, et maintenant merci de respecter mon handicap. En attendant, moi, je le rationalise: c’est comme ça, take it since you may not leave it.

L’option estrienne est devenue notre «plan A» officiel. Ce vendredi 24 juillet, on est en vacances depuis un moment. Preuve que le séjour est bien ressourçant, je n’arrive même plus à me souvenir des mots de passe des CMS du bureau, ni de ceux des comptes Facebook ou Adwords. Mon disque dur cérébral commence donc à être bien défragmenté, ce qui était nécessaire. La réalité d’ici s’en sacre pas mal de tous mes mots de passe. C’était le temps des foins et ces derniers jours les tracteurs ont fait des allers-retours incessants sur la petite route devant la maison.
Il en passe encore quelques uns alors que j’écris mon texte bien écrasé dans le gros divan sur la galerie. La campagne par ici est puissamment motorisée et en temps normal toute cette activité routière finirait par exaspérer le cycliste en moi. Mais pas maintenant. La matinée se termine et je vais manger un petit quelque chose avant d’aller rouler pas mal tout le reste de la journée. Je ne vais pas rouler comme je le fais d’habitude. Non, en ce moment un zeste d’orange sanguine parfume mes rides. Okay, je m’explique.

C’est qu’au moment de quitter la maison en direction d’ici, une idée, certainement soufflée par un petit démon génial qui me veut du bien, a fait éruption dans mon esprit tordu: «et si j’apportais non pas un, mais plutôt DEUX vélos en vacances? Mon vaillant et indispensable Baron Rouge—mon Marinoni de route— et l’Orange Sanguine, la plus récente recrue de ma collection. 

L’Orange Sanguine est un intrépide Jake the Snake, un beau petit bike de cyclo-cross de Kona que j’ai acheté l’automne dernier (un deal comme ça, ça ne se refuse pas) et que je n’avais pas eu la chance d’utiliser comme il faut depuis.

Donc, il fallait apporter l’Orange Sanguine pour les vacances. Comme ça, si les routes asphaltées de l’Estrie me faisaient chier en me rappelant que je ne grimpe pas, j’explorerais -au trot assis, tout doucement- les centaines de petits chemins de terre qu’il y a dans la région. Pas de doute, en me rapprochant de la nature, je serais plus joyeux et plus agréable au jour le jour. C’est en tout cas le sales pitch que le petit démon génial m’a suggéré pour convaincre ma chérie. 

Sais-tu qu’on n’a pas de rack de toit? Qu’on apporte une glacière, du vin, un gros paquet de livres et autant de cd, ton linge, mon linge pis toute ton barda de bécik? As-tu oublié qu’on y va avec le chat? On va le mettre où dans l’auto notre bel animal qui a le mal des transports? En plus on va lui faire ses rappels de vaccins juste avant de partir! Te rappelles-tu que c’est une Yaris qu’on a? Dire que ma chérie a été transportée d’enthousiasme par mon projet serait un euphémisme.

Ah les vacances, merci petit démon génial: je roule avec l’Orange Sanguine depuis qu’on est ici. Je n’ai fait qu’une seule sortie avec mon Baron Rouge adoré. Disons qu’il est en vacances avec nous, comme le chat, qui va d’ailleurs très bien.


C’est drôle de se promener sur un chemin de terre avec un bike de cyclo-cross. Tous les éléments sont là pour suggérer le calme et la retenue. La route est imprévisible et serpente sans raison. Elle est aussi pleine de trous de toutes formes et les virages, avec leurs angles imprévisibles, nécessitent beaucoup de vigilance. Apaisants et verts, les paysages sont presque tous composés de la même façon (des champs, des arbres, une maison de temps en temps). Le vélo lui-même n’est pas très performant. Il est long, lourd et ne permet pas d’adopter une position agressive. En plus, il est équipé de pneus balounes de 32mm qui demandent un gonflage à 75 psi seulement. Tout devrait inciter à la balade en zone 1.

L’Orange Sanguine, je l’appelle comme ça en raison du rouge très vif qui jaillit de la chaude couleur orange qui enveloppe son cadre. Mais l’Orange Sanguine mérite son nom en raison de son tempérament volatile et incontrôlable. C’est fou, dès que l’Orange voit un chemin de terre, elle me garroche dedans et je perds la tête. À la moindre «bosse», elle s’élance à m’en faire perdre haleine, à me faire péter la pompe à eau. L’Orange me fait faire toutes les descentes à fond, comme si l’arrivée d’une étape du Tour était jugée plus loin, au replat. Sans rigoler, l’Orange me pousse avec fougue à la vue de la plus petite des pancartes de village. Décidément très sanguine l’Orange des Cantons.

Ma chérie et moi, on est venu en Estrie pour nos vacances, elle pour se promener et profiter des produits locaux, moi surtout pour faire du vélo. Depuis qu’on est ici je ne grimpe -toujours- pas, mais l’Orange Sanguine me brasse méchamment les idées comme une bonne vieille bouteille d’Orangina -sanguine- en rêverait! 



Un beau ciel d'été québécois version 2015.
Des fois faut dire les choses sans ambiguité.
L'Orange Sanguine dans toute sa splendeur. Je ne l'ai même pas pimpée (pas encore).
Pour un cadre de ce prix-là, la finition est hallucinante. En plus la fourche, très massive, est full carbone, colonne de direction incluse.
Bon, la finition est plus rustique à l'arrière.
Mieux qu'un compact? Un 46-36! P-A-R-F-A-I-T !
"Toi pis ton Orange Sanguine... sais-tu ce que j'en pense?"

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